Les navires lévitant
Élément emblématique de la technologie lossyanne que permettent les propriétés du loss-métal, les navires lévitant sillonnent le ciel comme autant de nefs au mâts fièrement dressés suivant des couloirs terrestres tracés par la géographie des fleuves et des massifs, à l’instar des routes maritimes dictées par les courants et les côtes. S’ils sont si répandus, ce n’est pas parce qu’ils permettent un transport facilité de marchandises en quantité, ce que des caravanes tractées et des animaux de bât pourraient tout aussi bien faire, mais parce qu’un navire lévitant, capable en général de flotter six à dix mètres au-dessus du sol, est à l’abri relatif de la faune lossyanne et ses dangers, principalement de ses prédateurs, qui s’en donneraient autrement à cœur joie sur des caravanes terrestres. Si le transport par route existe, il en se fait que sur des zones périurbaines et des secteurs particulièrement sûrs, souvent fortement protégés et gardés, là où la faune a bien voulu céder le pas aux lossyans et à la civilisation, ce qui n’est jamais aisément gagné.
Dans les faits, un navire lévitant du point de vue de l’apparence ne diffère pas tellement vu de loin, des formes des navires sillonnant les Mers de la Séparation. D’ailleurs, l’immense majorité des navires lévitant sont aussi prévus pour naviguer et leur coque n’est pas adaptée du tout à reposer sur autre chose que de l’eau quand leurs moteurs à lévitations sont à l’arrêt.
Les navires lévitant sont répandus dans pratiquement toutes les cultures, sauf celles ayant pour environnement des forêts profondes qui rendent leur usage impossible. Malgré la complexité de conception de ces voiliers volants, les savoir-faire et les technologies ont eu le temps de largement de répandre partout, même si c’est encore une fois Armanth, Anqimenès puis l’Empire du Trône de Rubis qui sont à la pointe dans ce domaine. Ainsi donc, les navires lévitant sont courants et on peut considérer qu’environ un navire de commerce ou de guerre sur six voguant sur les Mers de la Séparation est capable de léviter et poursuivre sa route sur les terres. Mais ce n’est pas si aisé, nous allons y revenir.
1- Les performances des navires lévitant
Un navire lévitant est comme tout bateau, avec une coque bâtie autour d’une quille –mais nous verrons plus tard que les navires monocoques ne sont pas les seuls qui existent sur Loss- des mâts et une voilure contrôlée par un système de cordages, et enfin un système giratoire, en général des safrans, une barre et un gouvernail. Bref, les constituants d’un bateau classique, mais avec des aménagements assez importants.
Les moteurs à lévitation
La première règle est que la machinerie nécessaire aux moteurs à lévitations ne permet pas de créer des chaloupes et barques à lévitation. C’est sans doute possible pour un bon génie et avec des innovations accessibles, mais c’est simplement trop onéreux et compliqué pour être devenu un concept exploité. En fait, les plus petits navires lévitant sont en général au moins des caravelles, péniches et chebecs.
La seconde règle est que les contraintes matérielles des moteurs à lévitation sont telles qu’on ne peut pas faire de navires avec des matériaux légers qui seraient flexibles, mais fragiles. La puissance que peut dégager la répulsion des moteurs à lévitation est telle qu’elle peut aisément briser des madriers de bois : toute structure qui n’a pas été renforcée et prévue pour y résister ne tient jamais bien longtemps. Comme il faut au moins deux moteurs à pour un navire lévitant, la place et les renforts que ces machineries demandent imposent donc des aménagements très spéciaux et des matériaux bien choisis, qui implique beaucoup de cuivre, voire de fer, et de bois solides et denses.
Enfin, ces machines demandent une formation spécifique pour les exploiter et ne fonctionneraient pas bien longtemps sans un entretien par des spécialistes. Tous les navires lévitant ont des machinistes, au moins un de bord, quand ce n’est pas deux ou trois plus des aides exclusivement destinés à la gestion des postes de ces machineries.
Encart : les moteurs à lévitation chauffent. Non seulement par eux-mêmes à cause des contraintes matérielles sur leur mécanique, mais en plus parce que les moteurs mécaniques ou électromécaniques chargés de forcer les barres de loss-métal à se rapprocher les unes des autres pour avoir l’effet de lévitation chauffent aussi. Pour la plupart des navires à deux ou quatre moteurs, le refroidissement à air suffit tant qu’on ne surchauffe pas les moteurs, et quelques seaux d’eau suffisent en cas de besoin. Mais sur les vaisseaux comportant une dizaine de moteurs, comme les béhémoths, il y a littéralement tout un circuit de refroidissement à eau, et donc la nécessité de réserves d’eau et d’évacuation de la vapeur, bref, des cheminées.
La hauteur de lévitation
La plupart des navires lévitant ne peuvent s’élever que de huit mètres environ pour deux moteurs. Pour quatre à six moteurs, ce qui représente un espace et un poids conséquent, on peut monter à dix à douze mètres. Au-delà, seuls les moteurs les plus performants et les technologies les plus innovantes permettent d’atteindre les 15 mètres. On ne connait aucun navire lévitant ayant dépassé cette altitude.
Encart : L’effet de répulsion et d’antigravité des moteurs à lévitation repousse tout dans une bulle plus ou moins étendue sous le navire, y compris l’air. Ainsi, un courant puissant repousse tout ce qui passe dans le champ de répulsion dont la taille varie selon la puissance des moteurs. Il ne s’y crée pas un vide dans la mesure où l’air chassé est remplacé constamment, mais le courant crée un son constant de vent qui souffle, et seules les masses lourdes ne sont pas repoussées par cet effet.
La lévitation et l’eau
La bulle de vide que crée la répulsion du loss-métal a des effets assez dangereux avec la masse mouvante de l’eau. Ainsi donc, et plus la mer est agitée, plus c’est dangereux, les navires lévitant évitent de flotter au-dessus de la mer. Au-dessus d’un fleuve aux eaux calmes, le risque est bien moindre, pareillement dans un port. Mais en pleine mer, c’est vraiment très risqué. Seuls les béhémoths et leur masse énorme s’y osent et encore, pas sans risques.
La propulsion
Dans la grande majorité des cas, la propulsion des navires lévitant est assurée par leur voilure, adaptée à leur configuration de voiliers flottant dans les airs, impliquant des matures et voiles s’étalant sur les côtés de la coque pour une meilleure stabilité. Mais les capacités de répulsion des moteurs à lévitation ne sont pas passées inaperçues des meilleurs génies de Loss et il existe donc certains navires, souvent les plus perfectionnés et les plus gros, comme les béhémoths, qui se passent de voilure et emploient des moteurs spécialement adaptés à la propulsion. Celle-ci n’est guère plus rapide que celle à voile jusqu’ici, voire parfois moins performante que la voilure en cas de grand vent, mais elle a l’avantage de ne pas en dépendre. Par contre, c’est un surcout en barres de propulsion en loss-métal notoire.
L’autonomie
L’autonomie des navires lévitant dépend de leur réserve de barres de propulsion en loss-métal. Mais pour deux barres chargées dans chaque moteur, un navire lévitant peut flotter sans interruption pendant environ un à deux mois. Avec les contraintes des navires, des équipages, des moteurs et de l’environnement, on peut dire que des navires lévitant ont besoin de changer les barres tous les 2500 km environ de route terrestre parcourue. En fait, le vrai problème n’en est pas un : le coût des barres de propulsion est élevé, mais avec deux kilos de loss-métal, vous pouvez voyager des mois. Le prix des barres est alors largement compensé par la rentabilité du voyage et de sa cargaison. Cependant plus le navire est gros et comporte de moteurs, plus la dépense augmente. Les plus puissants vaisseaux de guerre, galions à six ponts et béhémoths peuvent alors être des gouffres financiers pour qui la capture et le pillage est une nécessité pour rentabiliser les coûts.
2- Usages & exploitation
Les navires lévitant sont répandus et dans un port, sur dix vaisseaux de commerce de toute taille, il est fréquent d’en trouver deux ou trois lévitant. Les flottes de navires lévitant sont donc communes, ce qui explique en grande partie la valeur du loss-métal qui est à la base de ces machines.
Les navires lévitant sont rarement employés pour de la navigation terrestre uniquement : la configuration des Mers de la Séparation exige une certaine mixité technique qui impose que ces navires puissent aussi voguer sur les flots. Le plus souvent, cela impose aussi des contraintes quant aux routes terrestres qu’ils peuvent suivre. Les navires lévitant ont, en général, besoin d’une masse d’eau où amerrir et poser leur coque quand les moteurs à lévitation sont éteints. Cette contrainte fait que les routes terrestres les plus courantes pour les navires lévitant suivent les fleuves et grandes rivières ou ne s’en éloignent que pour passer d’une étendue d’eau idoine à une autre. Cela réduit leur capacité aux grandes plaines et aux cours d’eau profonds, souvent avec des relais de cités ayant aménagé des ports adaptés.
Quid alors des zones vallonnées, de montagne ou encore des forêts profondes, des plaines arides et des déserts. Dans le premier cas, il faut savoir que les navires lévitant ne peuvent arpenter des cotes élevées de plus de quelques degrés. Dès que des collines sont un peu escarpées, ils doivent les contourner et louvoyer de vallon en vallon, ce qui réduit drastiquement leur vitesse journalière. Et face à des montagnes, le navire lévitant ne peut rien faire si ce n’est longer les vallées fluviales, incapable de franchir les cols. C’est à ce moment que les caravanes et moyens de transport classiques prennent le relais.
Le problème est le même dans les forêts : la hauteur des arbres et l’épaisseur des frondaisons interdisent le passage d’un navire lévitant, sauf au-dessus des plus larges cours d’eau. Il a été abordé différemment dans les plaines arides et les déserts, avec les navires des sables. Ici, les vaisseaux lévitant sont à fond plats, larges et pourvus de roues ou de patins leur permettant de se poser au sol. Rarement conçus pour s’élever très haut parce que la faune locale dangereuse y est plus rare, ils sont souvent assez rapides, mais totalement incapables de voguer sur les eaux. Certains de ces voiliers des sables sont d’une taille qui défie l’imagination et peuvent abriter des centaines ou des milliers de personnes comme autant de villes volantes. Ces modèles aux dimensions prodigieuses restent très rares, mais il en existe chez les Nomades des Franges aussi bien que dans les déserts de Shaïmu en Hemlaris.
3- Les différents types de navires lévitant
On abordera les différents types de navires dans le monde de Loss au chapitre équipement. Les navires lévitant se classent par leur nombre de moteurs à lévitation et leur mode de propulsion principalement.
Les voiliers lévitant : les plus courants, ils sont bâtis pour voguer sur les eaux aussi bien qu’au-dessus du sol. Les plus communs ont deux moteurs, un à l’avant et un autre à l’arrière, ce qui suffit pour les caravelles, les chebecs, péniches et autres goélettes. Dès qu’on arrive au clipper et aux galions, il faut penser à quatre moteurs, voire six pour les plus puissantes frégates et galions de guerre à cinq ou six ponts.
Les voiliers des sables : munis de deux à quatre moteurs, les voiliers des sables ont un fond plat, des roues ou patins pour se poser sur la terre ferme, un pont très large et une voilure pensée pour voguer au-dessus des plaines arides et des déserts. Les villes flottantes dont nous parlons plus haut peuvent parfois demander une dizaine de moteurs.
Les navires à propulsion au loss-métal : assez rares et dédiés à des usages spéciaux et à la guerre, les navires à propulsion au loss-métal comptent entre un et deux moteurs à lévitation supplémentaires chargés de fournir une poussée remplaçant la voilure –ou la secondant en cas d’absence de vent- pour faire avancer le navire lévitant. Malgré l’efficacité de la technique, cela ne change guère les performances de ces machines, si ce n’est que ces navires peuvent avancer tant qu’ils ont du carburant, sans dépendre des caprices des vents. Mais de telles installations s’accompagnent souvent de refroidissement à eau, dont de surcharge de réserve d’eau et de système d’évacuation de la vapeur. C’est donc réservé le plus souvent à de gros vaisseaux.
4- Les Béhémoths
Les béhémoths sont si rares et ont été si peu aperçus sur un champ de bataille que beaucoup de gens pensent qu’il s’agit de légendes colportées par des vétérans ivrognes ou des marins bonimenteurs. Et pourtant, ils existent, aussi rares soient-ils et depuis quelques années, deviennent l’arme absolue des plus grandes puissances de Loss.
Un béhémoth est un navire sans matures ni voilures, en général à la coque prévue pour se poser sur une surface liquide, mais dont les dimensions, le blindage, la conception et l’armement ont été entièrement pensés pour prendre d’assaut les murs d’une cité-État et par sa force de frappe être capable d’en faire le siège et en ravager les défenses dans un délai aussi bref que possible. Si sa superstructure est encore de bois, les béhémoths rivalisent en blindages de cuivre, de fer, de linotorci, et sont tout bonnement des forteresses flottantes disposant de centaines de bouche de canon-impulseurs et de mortiers, capables d’embarquer des milliers de légionnaires et d’assurer par leur seule puissance leur défense sans besoin d’escorte. Ils sont en cela comparables aux premiers cuirassés dreadnought de l’aube du 20e siècle et jouent exactement le même rôle.
Rien ne semble pouvoir résister à un Béhémoth. Nanti de dix, douze voir quinze moteurs à lévitation, de tout un système de refroidissement, armé et équipé comme un château fort volant blindé de métal, il peut foncer sur une cité-État au mépris de ses défenses et de ses murs, frapper de front ses murailles pour les faire tomber, ravager ses quartiers au mortier, tandis qu’il massacre ses navires-défenseurs de ses rangées de canons tirant dans toutes les directions, du sol aux cieux. C’est un monstre, dont certains modèles dépassent les 150 mètres de long. Mais leur conception est proprement abominable de complexité et leur coût est prohibitif. Pour le moment, ces monstres n’ont que très peu fait la démonstration efficace de leur colossale puissance, ce qui doit fait piaffer d’impatience bien des généraux et amiraux brûlant d’écraser leurs ennemis sous la terreur de ces monstres de légende.
On peut estimer que l’Hégémonie dispose d’une dizaine de ces monstres, l’Hemlaris peut-être autant, on prétend que Nashera dans les Plaines de l’Etéocle en possèderait une demi-douzaine. Et que ce sont les Apostats dans le Jemmaï-he’jil qui déploient les plus puissants et invincibles de tous, bien que personne n’en ait jamais vu. Malgré sa colossale flotte, Armanth n’en possède aucun et en fait le Conseil des Pairs ne croit pas que les Béhémoths existent vraiment ou soient un réel danger. L’avenir risque de leur donner tort.