Au fait, comment sont nés Les Chants de Loss ?
Tout commence le 27 Janvier 2014. Je ne dessinais plus depuis plus d’une année… En fait, je ne créais plus rien depuis plus longtemps encore, mais c’était passé d’un passage à vide à une véritable dépression dont je ne sortais pas.
Un soir, je m’ouvrais à Igor Polouchine, qui n’était finalement à l’époque qu’une connaissance, à un moment où j’avais besoin de faire confiance, de parler intimement. Pour tout dire, ma créativité était en rade. Un grand vide qui devenait un trou béant dans lequel je m’enfonçais. J’avais cessé de rêver et donner à rêver, ce qui pour moi s’apparente à une petite forme de mort. Bref, ce n’était pas la joie. Allez savoir pourquoi c’est à lui que je me suis confiée, et à qui j’ai demandé : « comment faire ? »
Il me répondit le plus simplement du monde : « écrit. Puisque tu ne peux plus dessiner ; écrit. Lâche ce que tu as sur le cœur et dans l’âme, écrit sur ton expérience et sur toi. » Ce que je me refusai à faire. Et que je ne ferai sûrement jamais. J’ai tendance à considérer que mon histoire personnelle, aussi riche et intéressante soit-elle, y compris au sens chinois du terme, n’a pas vraiment d’intérêt. Je la connais, j’en raconte des anecdotes fréquemment, mais j’ai un certain dédain à l’autobiographie et encore plus finalement à la mienne. Pour donner à rêver, je continue à croire que y’a mieux que parler de moi.
Alors, j’ai ressorti de vieux textes. Des nouvelles perdues sur mon disque dur. J’ai toujours écris, mais mon métier et mon talent le plus visible c’est l’illustration alors ça ne restait qu’une marotte un peu perdue. Mais ces textes-là m’étaient très chers et intimes.
Quoi en faire ? Nous avons discuté longtemps ; Igor Polouchine me parla d’y lâcher mes tripes, de considérer ce que j’allais écrire comme un exutoire, de voir ce que je voudrais coucher sur papier comme une catharsis. Puisque ce que j’aimais par-dessus tout était rêver et faire donner à rêver, plonger dans mes rêves et mes cauchemars pour en tirer toute l’essence d’un récit. Les Chants de Loss sont la somme de mes pires rêves, et mes plus splendides cauchemars. Oui, dans cet ordre là.
Quelques semaines plus tard et les encouragements de Stéphane et Isabelle Gallay à essayer, j’étais dans le train de retour d’un séjour Genevois. J’avais la BO de Pacific Rim qui tournait en boucle. Pendant une heure et demi de voyage, j’ai des visions de pouvoirs défiant l’imagination, de monde baroque aux navires lévitant, de créatures gigantesques et de complots millénaires. Tout s’assembla comme si cela n’attendait que j’y consacre un peu de ma pensée et mon imaginaire. Quelques jours plus tard, je savais où je souhaitais aller, je connaissais la fin de l’histoire et le découpage en épisodes. Il faudrait neuf romans, pas un de plus, pas un de moins. Ecrire le premier tome me prit plus d’une année. Pour 350 pages de romans, je jetais sur le papier pratiquement autant de pages de notes, de compilations sur l’univers, d’archivages et de références.
Je venais à la fois d’écrire un roman, et un monde tout entier, qui ne cessait de grandir et de devenir plus vivant, complexe et riche.
Et puis, le 10 janvier 2015, je fêtais l’anniversaire de Yann Décombaz et, un peu ivre et très heureuse, je racontais aux Fous, Yan Corvasce en tête, le secret, le métaplot derrière le roman dont le premier tome était pratiquement achevé. Lui, un peu éméché aussi mais fasciné par mon récit, balança avec une conviction reprise par le reste de mes amis : mais c’est un univers de JDR ! Faut que tu en fasses en jeu de rôle ! Je ris de l’idée avant que celle-ci ne deviennent finalement une possibilité, puis l’envie d’un projet.
Je demandais alors à Emilie et Alysia, qui sont aussi les mamans de mes romans, car bien des choses viennent d’elles, si elles étaient tentées de se lancer dans l’aventure. Ce fut un « oui » immédiat et enthousiaste. En Avril 2015, nous nous lancions dans les premiers travaux, vite rejoints par Igor Polouchine venu nous prêter main-forte pour réfléchir au cœur du système et de l’esprit du jeu, puis par Julien Salamin, Yann Décombaz, Stéphanie Roth et encore d’autres autour de notre trio.
Entretemps, j’avais commencé le tome 2 de mes romans et choisi un générique qui parlait de Loss, le monde et les romans, tel que je le concevais. Et l’aventure commença, soutenu par nos amis, puis les fans qui rapidement appuyèrent notre démarche de totale transparence en partageant avec eux tout notre travail, notre démarche et notre projet de création.
La suite, vous la connaissez ; le 20 septembre 2016, alors que nous avions achevé 90% du manuscrit originel et édité deux kits de découvertes, Matagot devint notre éditeur officiel après cinq mois de négociations (et au fait un grand merci et un « désolées » pour les éditeurs que nous avons finalement refusées). L’aventure devenait une réalité, pour le meilleur et pour le pire.
Le pire, on se l’est fadé souvent et encore récemment. Le meilleur, ce sera pour dans quelques jours, maintenant, et avec vous.
Un immense merci pour tout cela.